Les Antilles

Par Elissa Pustka, Université de Vienne (Autriche)

« La me’ est couve’te de ‘omains ! » – Les Antillais parlent-ils comme le pirate Baba dans les bandes dessinées d’Astérix, en ‘mangeant’ tous les R ? Oui et non. Oui, le R peut tomber dans « mer » et « couverte », en fin de syllabe. Toujours est-il qu’on y trouve aussi la variante W, comme en anglais « Wow ! ». Et non, le R ne tombera jamais dans « Romains », en début de mot.

On pourrait peut-être penser à une influence des langues africaines avec lesquelles le français s’est ‘mélangé’ sur les plantations de canne à l’époque de l’esclavage, donnant naissance au créole. Or, la chute du R est une survivance du français des colons du 17ème siècle. En France, certains R ont ensuite été réintroduits par les grammairiens, dans les infinitifs des verbes en « ‑ir » par exemple, comme dans « venir », contrairement aux verbes en « -er » comme « aller ».

Autre préjugé : les enfants antillais apprendraient le français seulement avec difficulté à l’école, étant créolophones à la base. Cela a effectivement été le cas pour la plupart quand la Martinique et la Guadeloupe sont devenues départements d’outre-mer français en 1946. Depuis une quarantaine d’années, les jeunes Antillais sont pourtant soit bilingues dès leur naissance soit même francophones unilingues. Le français parlé aux Antilles n’est donc certainement pas un « français bannann », comme on l’appelait autrefois, avec des « fautes » dues au créole, mais un français régional comme les autres.

Alors qu’on entend souvent parler en France d’un « accent antillais », les Antillais eux-mêmes font bien la différence entre la Martinique et la Guadeloupe (et les petites îles autour). Ainsi, les Guadeloupéens reconnaissent-ils leurs voisins à la simple prononciation du mot « Martinique ». Alors que les Guadeloupéens prononcent « Matinik » (sans R, bien sûr), cela donne « Matchinik » (avec « ch ») dans la bouche d’un Martiniquais.

Artikel in der Zeitschrift „Le français dans le monde“ n°414, novembre/décembre 2017, S. 54.